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Le système de retraite doit-il tenir compte du couple ?

Dans la continuité des travaux menés afin de nourrir le rapport sur les droits familiaux et conjugaux publié il y a quelques jours par le Conseil d’orientation des retraites, Patrick Aubert (IPP) et Carole Bonnet (Ined) publient conjointement un nouveau billet de blog sur le sujet de la pension de réversion. Ce billet est publié à l’occasion du colloque organisé par le COR ce lundi 1er décembre au cours duquel les deux auteurs sont intervenus.

S’appuyant sur un travail statistique inédit, et à rebours du débat régulier sur l’extension de la réversion aux couples pacsés et divorcés, les auteurs élargissent la perspective en soulevant la question fondamentale suivante : Le système de retraite doit-il tenir compte du couple ?

D’une part, ils rappellent en effet que la réversion fait exception au principe général de droit individualisé sur lequel repose le système des retraites français. Il s’agit donc du seul dispositif de retraite qui tienne compte de façon explicite de la vie en couple.

D’autre part, ils montrent que, si les femmes mariées (pour celles qui commencent aujourd’hui leur retraite) ont le niveau moyen de retraite personnelle le plus bas, le mariage leur assure un niveau de vie nettement plus élevé, en moyenne, que la plupart des autres catégories, grâce à la mutualisation des retraites avec celle de leur conjoint et grâce aux économies d’échelle liées à la vie en couple. En maintenant globalement le niveau de vie (et, dans certains cas, en l’augmentant) le dispositif de réversion fait que cela resterait aussi le cas en cas de décès du conjoint.

En effet, le niveau de retraite des femmes mariées, en cas de décès de leur conjoint, ne serait ainsi en moyenne qu’un peu plus bas que le niveau de retraite moyen par unité de consommation du vivant de deux conjoints (2 280 contre 2 340 €/mois), et resterait ainsi nettement plus élevé que leur niveau moyen de retraite personnelle hors réversion (1 330 €/mois).

Le niveau de retraite moyen des célibataires est, quant à lui, de 1580 € par mois pour les femmes et de 1360 € pour les hommes , ces célibataires représentant actuellement 10% des personnes au moment du départ en retraite. Célibataires signifiant n’ayant jamais été mariés.

Les auteurs observent ainsi la tension entre les deux objectifs de politique publique poursuivis à travers le dispositif de réversion : l’objectif, très protecteur, de maintien du niveau de vie après le décès du conjoint (qui fait aujourd’hui le plus consensus pour justifier le dispositif, d’après le rapport du COR) et l’objectif, plus large et plus général, de garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités, auquel la réversion est également censée concourir.

Le billet s’ouvre alors sur trois fondements philosophiques possibles pour la prise en compte du couple par le système de retraite, qui peuvent aider à penser la direction à suivre pour une refonte globale du dispositif. Chacun de ces fondements oriente vers des modalités qui s’avèrent assez différentes de celles d’aujourd’hui. Une réversion destinée en premier lieu à compenser les effets négatifs de la parentalité sur la capacité à acquérir des droits propres conduirait vers des scénarios de bascule vers les droits familiaux (ce qui fait partie des scénarios explorés par le COR). Une réversion pensée pour protéger contre le risque de faible niveau de vie du fait de la vie seule pendant la retraite (si on comprend que la réversion a été introduite dans un contexte historique où le mariage était la norme, et le veuvage par conséquent le seul état de vie seule à la retraite) appellerait à transformer le dispositif pour l’élargir pas seulement aux autres statuts de couple (pacs et union libre) mais aussi aux autres statuts de vie seule (célibat, divorce). Enfin, une réversion justifiée par un objectif de prolonger la solidarité financière des couples au-delà du décès soulèverait en théorie la question du partage des droits, ce qui signifierait, là encore, des modalités assez différentes de la situation actuelle.