Note IPP n°90

Comportement des donateurs fortunés : le poids des motivations politiques

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Auteurs :
Malka Guillot (professeure d’économie à HEC Liège)
Julia Cagé (professeure d’économie à Sciences Po Paris)

Présentation :
Cette étude analyse le comportement de don des ménages les plus fortunés en France, au profit d’organisations caritatives ou de partis politiques, afin de savoir notamment si ces dons sont marqués par des motivations politiques.

Méthode :
En France, les dons de natures caritative et politique ouvrent droit à une réduction de l’impôt sur le revenu à hauteur de 66 %. En revanche, seuls les dons à vocation caritative sont éligibles à une réduction de l’impôt sur la fortune de 75 %. Cette étude analyse les effets de la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de 2017, qui a modifié l’assiette imposable, réduit de deux tiers le nombre de foyers concernés et ainsi augmenté le coût des dons caritatifs. Cette réforme consiste ainsi en un choc exogène sur le coût des dons caritatifs pour ces donateurs, qui n’a en revanche pas affecté le coût des dons de nature politique.

Enseignements clés:

  • En 2016, les 1 % des ménages les plus riches représentaient 14,2 % des dons à des organismes caritatifs et 15,5 % à des entités politiques. Ce groupe possédait alors 8,6 % du total des revenus déclarés dans le cadre de l’impôt sur le revenu.
  • Les dons caritatifs des ménages soumis à l’impôt sur la fortune ont diminué avec le passage, lors de la réforme de 2017, de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI). De 2016 à 2017, les dons caritatifs déclarés au titre de l’impôt sur la fortune ont été réduits de 267,0 millions d’euros.
  • Une hausse de 1 % du coût des dons caritatifs augmente les dons politiques de 0,12 %. Autrement dit, les contributions caritatives et politiques semblent être substituables.
  • En ce qui concerne l’ampleur du phénomène, ce résultat suggère que l’augmentation de 36 % du coût net des dons caritatifs (de 25 % à 34 % du montant versé) est associé à une hausse de 4,32 % des donations politiques. Ainsi, en considérant les donations caritatives (1 087,1 euros) et politiques (22 euros) moyennes, une baisse de 352,2 euros des dons caritatifs est associée à une hausse de 1 euro des dons politiques. Selon nos estimations, cette diminution correspondrait à une hausse de 758 117 euros pour les contributions à caractère politique, soit 11,6 % du total des contributions provenant des redevables de l’ISF en 2017. Cet effet paraît économiquement substantiel une fois mis en relation avec les donations totales par exemple au Parti Socialiste cette année-là, de 593 396 euros.
  • La substitution des dons politiques aux dons caritatifs s’est faite principalement au bénéfice de partis politiques de droite.

Données :
L’étude s’appuie sur l’analyse détaillée des données des impôts sur le revenu et sur la fortune avec des informations exhaustives sur le revenu, le patrimoine et les dons de tous les ménages français depuis 2006. Les auteures ont notamment bénéficié, dans le cadre d’une convention de recherche, du concours de la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP), l’agence en charge de valider les comptes de campagne des candidats, pour traiter les données (anonymisées !) sur les donations reçues par les cinq principaux partis politiques.

Étude de référence :
Les arguments développés ici sont repris de l’article : Cagé, Julia et Malka Guillot (2022). « Is Charitable Giving Political ? Evidence from Wealth and Income Tax Returns ». CEPR Press Discussion Paper 17597.