Rapport IPP n°47 - Octobre 2023

Effets sur la création d’entreprises, l’expatriation et la circulation de l’épargne des réformes de la fiscalité du capital

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Citer
Bach et al,.Effets sur la création d’entreprises, l’expatriation et la circulation de l’épargne
des réformes de la fiscalité du capital. Rapport IPP n°46. Octobre 2023.

Présentation

L’objectif affiché des réformes de la fiscalité du capital mises en place entre 2017 et 2018 était de baisser la fiscalité sur le capital afin de soutenir l’investissement privé, et in fine la croissance de l’économie française. L’enjeu d’évaluation est donc de pouvoir quantifier ces potentiels effets sur l’investissement, et plus généralement sur la circulation du capital dans l’économie.

Les précédents travaux de recherche menés jusqu’à présent n’ont pas mis en évidence
d’effets sur l’investissement de la mise en place du PFU pour les entreprises déjà existantes (Bach et al., 2021a), et le constat s’est avéré similaire pour la transformation de l’ISF en IFI (Bach et al., 2021b).

La marge intensive de l’investissement ne semble donc pas être une marge de réponse comportementale majeure aux modifications de la fiscalité sur la distribution des revenus ou sur le stock de capital.

Les travaux de recherche sur données françaises ont, par contre, mis en évidence une forte réaction de la distribution des revenus du capital à ces réformes, avec notamment une très forte hausse de la distribution des dividendes à la mise en place du PFU (Bach et al., 2019, 2021a), mais aussi à la mise en place de l’IFI avec la suppression du mécanisme du plafonnement (Bach et al., 2023).

L’objectif de l’étude présentée dans ce rapport est de compléter ces travaux en mesurant l’impact des réformes du PFU et de l’IFI sur des décisions d’investissement à la marge extensive, c’est-à-dire correspondant à des choix discrets d’investissement comme la création d’entreprise, l’expatriation ou au retour d’entrepreneurs, et les décisions de réinvestissement de capital.

Résultats clés

L’impact des réformes sur la création d’entreprises

  • Les auteurs obtiennent des effets statistiquement positifs des réformes PFU, IFI et IS, prises séparément, sur le taux de création d’entreprises dans les secteurs plus fortement affectés. Pour un point de baisse de taux d’imposition, la réforme du PFU conduit à une hausse de 1,25 point du taux de création d’entreprises entre 2016 et 2022, la réforme IS de 1,0 point, et la réforme de l’IFI de 0,3 point.
  • Les trois réformes sont fortement corrélées et ces effets mesurés séparément ne peuvent pas être simplement additionnés. Une estimation conjointe des effets des réformes du PFU et de l’IS implique qu’une baisse d’un point de taxation du profit engendre une hausse d’un point du taux de création d’entreprise. Si on pondère ces effets par l’emploi des entreprises créées, l’effet est plus faible, à 0,05 point, mais toujours significatif.

L’impact des réformes sur l’expatriation

  • Les résultats obtenus suggèrent que les réformes ont eu un impact statistiquement significatif à la baisse pour les départs, et à la hausse pour les retours, notamment pour le cas de la réforme IFI.
  • Ces estimations révèlent néanmoins que l’effet d’une baisse de taux d’imposition a un impact très faible en termes absolus. Le taux de départ est initialement faible (0,2 %), et les effets des réformes conduisent à des effets de magnitude très faible également : une baisse d’un point du taux d’imposition à l’IS implique une réduction du taux de départs de 0,02 point, ou de 0,008 point pour la réforme IFI.

L’impact des expatriations sur les entreprises

  • Les auteurs obtiennent des effets importants pour l’entreprise après le départ d’un actionnaire de référence : le bilan baisse de 15 %, le chiffre d’affaires baisse également de 15 %, la masse salariale baisse de 25% et la valeur ajoutée de 20 %.
  • L’effet agrégé des expatriations d’actionnaires de référence reste néanmoins faible. Avec un taux de départ de l’ordre de 0,2 %, les effets sur la perte de valeur ajoutée ne représentent que 0,04% de la valeur ajoutée produite par les entreprises contrôlées par des personnes physiques.
  • Si on prend les estimations de l’impact des réformes sur la réduction des départs et l’ampleur de ces effets, on obtient un impact positif des réformes fiscales sur le tissu productif de l’ordre de 0,01 %, soit un effet agrégé dont la magnitude reste très faible.

L’impact des réformes sur les comportements de réinvestissement

  • L’ensemble des analyses menées tend à confirmer que les réceptions de revenus de capitaux mobiliers par des ménages n’ont pas pour principale fonction de financer de nouveaux investissements.
  • Le cas des plus-values réalisées dans le cadre d’un apport-cession est une exception. Les auteurs observent dans ce cadre précis une forte hausse de la probabilité de devenir actionnaire d’une jeune entreprise dans les années suivant la réalisation de la plus-value. Cet instrument fiscal, dont l’usage a connu une forte hausse en 2018, impose le réinvestissement de la plus-value réalisée dans des sociétés via une holding pour bénéficier d’un report d’imposition, ce que les auteurs observent effectivement dans les données.

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Auteurs

  • Laurent BACH
  • Antoine BOZIO
  • Etienne FIZE
  • Arthur GUILLOUZOUIC
  • Clément MALGOUYRES

Méthode et données

La mesure de l’évolution des flux de création d’entreprises, ou de départs/retour d’entrepreneurs du territoire national, nécessite des données permettant non seulement d’observer quels sont les ménages affectés par les réformes de la fiscalité personnelle du capital et quelles entreprises sont susceptibles d’être touchées, mais également de pouvoir suivre ces informations dans le temps de façon dynamique.

Afin de réaliser cette étude, les services de la Direction générale des finances (DGFiP), du centre sécurisé d’accès aux données (CASD) et les chercheurs de l’IPP, ont réalisé un nouvel appariement de données entre les données fiscales ménage (déclarations d’impôt sur le revenu) et les données d’entreprises (déclarations à l’impôt sur les sociétés), permettant d’obtenir un panel sur les années 2015 à 2021, poursuivant ainsi les efforts entrepris lors de la constitution du premier appariement utilisé dans les travaux de Bach et al. (2021b).

En sus de cet appariement, ce rapport exploite les données des déclarations ISF-IFI, les données de sortie du territoire national, produites par la DGFiP, mais également les données de l’enquête Patrimoine produite par l’Insee.

Partenaire

Ce travail a été réalisé dans le cadre du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, sous l’égide de France Stratégie.