Rapport IPP n°38 - Septembre 2022

Évaluation d’impact de la bascule du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègement de cotisations employeur

Rapport IPP n°38 – Septembre 2022

Auteurs : Antoine Bozio, Sophie Cottet, Clément Malgouyres

Présentation :

Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mis en place en 2013, avait pour objectif de stimuler l’emploi et la compétitivité des entreprises en baissant le coût du travail des salariés rémunérés moins de 2,5 fois le Smic. En 2018, cette réduction du coût du travail était égale à 6 % du salaire brut des salariés éligibles. Elle était opérée par un crédit d’impôt sur les sociétés effectif à partir de l’année suivante.

Le CICE a eu des effets très modestes pour l’emploi. Une des explications avancées était que, par sa nature de crédit d’impôt, la réduction du coût du travail associée était décalée dans le temps par rapport au versement des salaires, et potentiellement mal prise en compte lors des décisions d’embauche et de salaires.

En 2019, le CICE a été transformé en un allègement de cotisations employeur. Le mode de calcul et le montant de la réduction sont inchangés ; en revanche, la réduction apparaît désormais dans les calculs du coût du travail et devient effective immédiatement.

Ce rapport présente des premiers résultats, pour les années 2019 et 2020, des effets de cette réforme tant sur les politiques salariales des entreprises que sur l’emploi et les performances de celles-ci.

Points clés :

• Le nouveau dispositif opère la même réduction du coût du travail (égale à 6 % du salaire brut pour les salariés rémunérés moins de 2,5 fois le Smic), mais celle-ci étant effective immédiatement, elle devrait apparaître a priori dans les calculs de coût du travail.

• Par ce changement de nature, cet allègement peut être plus “saillant” pour les entreprises, et plus à même de stimuler l’emploi.

• Avec le CICE tout comme avec le nouvel allègement de cotisations, il est beaucoup plus coûteux pour un employeur de rémunérer un salarié légèrement plus de 2,5 fois le Smic, plutôt que légèrement moins. Si la réduction du coût du travail devient plus “lisible” pour les entreprises avec la réforme, nous devrions voir que les entreprises réagissent davantage à cet effet de seuil après la réforme.

• Nous étudions la distribution des salaires avant et après la réforme en appliquant la méthode du “bunching”. S’il y a un pic dans la distribution des salaires à gauche du seuil, cela indiquerait que les entreprises prennent en compte l’effet du seuil sur le coût du travail.

• Conformément à des travaux existants, nous n’observons pas un tel pic avant la réforme de 2019. En 2020, une légère masse apparaît à gauche du seuil. Par ailleurs, la probabilité de bénéficier d’une augmentation de salaire devient légèrement moins probable pour les salaires situés juste à gauche du seuil. Ces phénomènes sont amplifiés si on se restreint aux entreprises ayant une part significative de leurs salariés rémunérés autour du seuil.

• Ces résultats semblent pointer vers une progressive plus grande saillance de la réduction du coût du travail du fait de la réforme, mais les effets sont faibles et devront être confirmés sur des années ultérieures.

• Par ailleurs, la transformation du CICE en réduction de cotisations a potentiellement un effet sur la trésorerie des entreprises. Si le CICE consistait en une créance de l’Etat pour l’entreprise bénéficiaire, la réduction des cotisations se traduit par une augmentation de l’actif liquide de l’entreprise.

• Nous étudions les effets de la réforme sur les comportements des entreprises en matière d’emploi ainsi que sur des indicateurs de performances. Nous comparons les entreprises bénéficiant fortement du CICE avant la réforme à des entreprises en bénéficiant moins. Pour davantage de comparabilité des groupes, nous restreignons l’analyse à des entreprises ayant une large fraction de leur masse salariale située à proximité du seuil de 2,5 Smic.

• En 2019 et 2020, la réforme n’a pas eu d’effet sur l’emploi, sur les ventes et sur l’investissement des entreprises. En revanche, le remboursement de la créance de l’Etat au titre du CICE sur les années pré-bascule est associé largement à une augmentation des disponibilités (cash) des entreprises en 2019, alors que d’autres postes comptables, comme les immobilisations, ne semblent pas réagir à cette augmentation soudaine de trésorerie.

Publication : Consulter le rapport intégral (VF)