Note IPP n°114

Peut-on réduire les inégalités géographiques dans l’accès aux filières sélectives en France?

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Présentation

Quel rôle joue la distance à la formation la plus proche dans les choix d’orientation ? À partir de données individuelles détaillées retraçant les parcours des élèves dans l’enseignement secondaire et supérieur, cette note apporte un nouvel éclairage sur cette question.

Elle analyse l’impact de la création de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et de sections de technicien supérieur (STS) dites de « proximité » entre 2006 et 2015. En France, où il existe de nombreux freins à la mobilité étudiante, la répartition inégale de l’offre de formation sur le territoire contribue fortement aux disparités géographiques d’accès aux formations sélectives.

Résultats clés

  • Bien que les CPGE et STS se distinguent par leur profil social et scolaire, leur recrutement demeure concentré sur un périmètre géographique réduit.
  • L’accès aux formations sélectives varie fortement selon le lycée d’origine des étudiants : en 2015, la moitié des lycées généraux et technologiques ne fournissait que 16% des effectifs en STS, tandis qu’à l’inverse, 21% des lycées en fournissaient la moitié. Pour les CPGE, ces proportions étaient de 14% et 18% respectivement.
  • Les élèves qui passent leur baccalauréat dans un lycée proposant une formation sélective ont plus de chances de candidater et d’être admis dans ces filières, comparés à ceux issus de lycées sans offre équivalente. Cet écart ne s’explique que partiellement par les différences de performances scolaires entre ces deux groupes d’élèves.
  • L’ouverture d’une CPGE ou d’une STS accroît d’environ 8% la probabilité d’inscription des élèves locaux, qu’ils soient originaires du lycée concerné ou des lycées voisins. Les élèves bénéficiant de l’ouverture d’une CPGE ont plus de chances d’intégrer une grande école dans les trois ans suivant leur baccalauréat, avec un effet d’ampleur comparable à celui observé sur l’accès en CPGE.
  • L’impact des ouvertures de classes sur l’accès à ces formations provient principalement d’élèves qui, sans cette possibilité, auraient privilégié l’université plutôt qu’une autre filière sélective.
  • L’effet des ouvertures de CPGE et STS est plus marqué pour les élèves des petites communes
    et, dans le cas des STS, pour ceux issus de la voie professionnelle.

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Méthode et données

Données mobilisées

L’étude s’appuie sur les recensements annuels des élèves inscrits dans l’enseignement secondaire (données FAERE issues du système d’information SCOLARITÉ) et des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur (données STS/CPGE issues de SCOLARITÉ et données SISE) au cours de la période 2006-2018.

Ces données ont été mises à disposition par la Direction de l’Évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ-DEPP) et la Sous-direction des des systèmes d’information et études statistiques du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR-SIES).

Elles fournissent des informations détaillées sur les caractéristiques socio-démographiques des élèves et des étudiants (âge, genre, nationalité, commune de résidence, catégorie socio-professionnelle des représentants légaux), ainsi que l’établissement fréquenté et la formation suivie chaque année. Ces données sont complétées par les résultats au baccalauréat, issus du système d’information OCEAN, ainsi que les voeux de préinscription dans l’enseignement supérieur, issus de la plateforme Admission Post-Bac (APB) pour l’année 2015.

L’identifiant national élève (INE), sous une forme chiffrée, permet d’apparier ces différentes sources afin de reconstituer les trajectoires scolaires des élèves, de la terminale jusqu’à leur sortie du système éducatif. Enfin, les données de géolocalisation des établissements d’enseignement secondaire et supérieur, ainsi que les informations sur la taille et le type des communes, proviennent de données accessibles en open data.

Méthodologie

La seconde partie de l’étude vise à identifier l’effet causal de l’ouverture de classes de CPGE ou STS sur les choix d’orientation des élèves après le baccalauréat. La stratégie empirique utilisée dans l’étude exploite la variation temporelle et spatiale de ces ouvertures entre 2007 à 2015. Cette méthode d’identification, connue sous le nom de staggered adoption design, a fait récemment l’objet de nombreux développements méthodologiques.

Elle repose notamment sur l’hypothèse d’un effet constant du traitement, dans le temps et entre cohortes. Pour relâcher ces hypothèses, l’étude compare les résultats de l’estimation classique (two-way fixed effect) avec trois estimateurs alternatifs développés par De Chaisemartin et d’Haultfoeuille (2020), Callaway et Sant’Anna (2021) et Gardner (2021). Les effets estimés se révèlent très proches, quelle que soit la méthode utilisée.

Autrice

Georgia Thebault est PSL research fellow en économie de l’éducation à l’université Paris Dauphine-PSL.

Partenaires

Cette étude a été réalisée dans le cadre d’une convention de recherche avec la Direction de l’Évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ-DEPP) et la Sous-direction des systèmes d’information et études statistiques du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR-SIES). L’autrice remercie les équipes de la DEPP et du SIES pour la mise à disposition les données utilisées dans cette recherche.

Cette note a également bénéficié du soutien de la Chaire Politiques éducatives et mobilité sociale. Créée en 2021 dans le cadre d’un partenariat entre la Fondation Ardian, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse (MENJ-DEPP) et PSE-École d’économie de Paris, cette chaire vise à promouvoir la recherche de haut niveau et la diffusion des connaissances sur les politiques éducatives et la mobilité sociale.

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