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Rhétorique émotionnelle et montée du populisme au Parlement européen. Hugo Subtil, Vincent Verger. Note IPP n°108. Juin 2024.
Présentation
Cette note s’appuie sur les transcriptions des débats tenus lors des séances plénières du Parlement européen entre 1999 et 2022. Des méthodes de traitement automatique du langage naturel y sont utilisées pour étudier la tonalité des interventions des députés européens. Il apparaît que la tonalité des débats au Parlement européen évolue. Leur niveau d’émotion a en effet nettement augmenté depuis 1999. Les députés européens s’expriment de façons différentes selon les sujets discutés, leur État membre d’origine et leur positionnement idéologique. Les auteurs s’interrogent sur le lien possible entre cette augmentation du niveau d’émotion et l’augmentation du nombre de sièges remportés par des députés populistes.
Résultats clés
- Contrairement au cliché d’une institution aux débats froids et technocratiques, le niveau d’émotion y a augmenté de manière significative sur la période (+ 21 %).
- Les députés européens populistes utilisent une rhétorique plus émotionnelle que les autres députés, avec un score d’émotion 10 % plus élevé en moyenne.
- Le choix des sujets explique 25% de l’écart émotionnel entre députés populistes et non-populistes,
et l’ajout d’autres facteurs (pays d’origine, âge, sexe) portent cette explication à 29 %. - En réaction, les députés non-populistes infléchissent leurs discours vers plus d’émotion.
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Méthode et données
Pour chiffrer la charge émotionnelle des discours des députés européens, les auteurs se sont appuyés sur une base de données regroupant 686 439 interventions orales et questions écrites formulées en séance plénière entre juillet 1999 et octobre 2022. Ce corpus est analysé grâce à des outils de traitement automatique du langage naturel. En particulier, la mesure d’émotion utilisée dans cette analyse vient de travaux de Gennaro et Ash (2022). Ces travaux recourent à une méthode d’apprentissage machine dite de «plongement lexical».
La définition du populisme est historiquement sujette à controverse. Les auteurs s’appuyent ici sur une définition minimale du concept de populisme du politologue Cas Mudde. Selon cette définition, le populisme est une idéologie qui conçoit le conflit politique comme une opposition entre deux parties aux intérêts irréconciliables : le « peuple pur » et les « élites corrompues » (Mudde, 2007).
En pratique, ils ont utilisé les données du sondage d’experts en sciences politiques de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill (CHESS). Cette base de données permet de situer les positions des partis politiques sur de nombreuses questions. Les auteurs se sont intéressés en particulier à la variable mesurant la saillance des rhétoriques anti-élites dans leurs programmes. Ils considérent qu’un parti est populiste si la valeur de cette variable est supérieure à un certain seuil. Dans l’analyse présentée ici, ce seuil correspond au décile le plus élevé de la distribution du score de saillance des rhétoriques anti-élites.
>> Voir la liste des partis considérés comme populistes dans cette note
Auteurs
- Hugo SUBTIL est post-doctorant à l’IPZ, laboratoire de sciences politiques de l’Université de Zurich.
- Vincent VERGER est doctorant à l’École polytechnique – CREST et doctorant affilié à l’IPP.
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