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Antoine Bozio – Réformes fiscales: les bonnes recettes sont dans l’assiette

Parmi les mesures que compte prendre François Hollande lors d’une session extraordinaire du Parlement pendant l’été, les réformes fiscales sont les plus attendues. Ce sera l’occasion de rentrer dans les détails et de clarifier certains éléments restés flous pendant la campagne. Dans ce train de mesure, la «taxation des revenus du travail comme ceux du capital» mérite qu’on s’y attarde car elle met en évidence le rôle déterminant des assiettes dans la fiscalité française.

Pour déterminer le montant de l’impôt, deux éléments sont en effet importants : l’assiette – qui détermine les revenus qui sont effectivement imposables – et le taux – qui précise le barème d’imposition. Si on ne regarde que les taux d’imposition affichés, les revenus du capital effectivement imposés sont taxés à des taux proches des revenus du travail, en particulier après les récentes hausses du prélèvement libératoire et des prélèvements sociaux. L’essentiel de la différence d’imposition entre les revenus du capital et du travail vient en fait des effets d’assiette : certains revenus du capital échappent au barème de l’impôt sur le revenu et ont donc une fiscalité dérogatoire par rapport aux revenus du travail.
Ces effets d’assiette jouent aussi un rôle clé dans l’explication de la baisse des taux d’imposition effectifs en haut de la distribution des revenus. En effet, les hauts revenus reçoivent la plus grande partie de leur revenu sous la forme de revenus du capital qui sont imposés soit au prélèvement libératoire, soit via l’imposition des plus-values, et donc à des taux plus faibles que les revenus qui sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Le graphique ci-dessous illustre cet effet en contrastant l’assiette actuelle du barème de l’IR avec une assiette élargie (proche de la proposition du candidat F. Hollande) et enfin par rapport à l’assiette de la CSG.
Même si cette proposition de réforme fiscale n’a pas eu les échos qu’a eus la proposition d’instaurer une tranche supérieure à 75%, il ne fait aucun doute que l’élargissement de l’assiette de l’IR aura des conséquences beaucoup plus marquées, à la fois en termes de revenus pour les finances publiques et en termes redistributifs. Le rendement de l’élargissement de l’assiette est ainsi estimé à 4,5 milliards d’euros contre 200 millions pour la tranche supérieure à 75%, soit 22 fois plus.

Un point qui reste obscur est le contour exact de cet élargissement d’assiette : dans quelle mesure les plus-values seront-elles incorporées dans le barème de l’impôt sur le revenu ? On comprend bien que la taxation des plus-values – qui peuvent représenter les plus-values réalisées sur une vie entière – ne s’apparente pas complètement à la taxation de revenus annuels ; pour autant, convertir des revenus du capital sous la forme de plus-values est la technique d’optimisation fiscale la plus courante. L’efficacité de cette réforme fiscale va donc dépendre des modalités précises du traitement des plus-values.

Antoine Bozio, Directeur de l’IPP (article publié en juin 2012 dans Challenges)


Source : Institut des politiques publiques, TAXIPP 0.1. Télécharger le rapport complet.

Champ : Ensemble des individus de 18 ans à 65 ans, travaillant au moins 80% du temps plein.

Lecture: Le graphique représente la part des revenus primaires – c’est-à-dire l’ensemble des revenus du travail et les revenus du capital avant toute imposition – qui sont soumis au barème de la CSG, de l’impôt sur le revenu actuel et d’un impôt sur le revenu à assiette élargie. Les individus sont classés des plus pauvres (à gauche) aux plus riches (à droite). Le groupe P0-10 désigne les centiles de 0 à 10, c’est-à-dire les 10% les plus pauvres, le groupe P10-20 les 10% suivants, etc. Le groupe des 10% les plus riches est décomposé en sous-groupes. P99,9 correspond par exemple aux 0,1% des plus hauts revenus.

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