L’Institut des politiques publiques (PSE/GENES) publie ce jour une Note (n°82) sur le contournement des seuils d’effectif par les entreprises.
Télécharger la Note IPP n°82 : « Les entreprises sous-déclarent-elles leur effectif à 49 salariés pour contourner la loi ? »
Contacts : philippe.askenazy@ens.psl.eu, vpecheu@protonmail.ch, breda.thomas@gmail.com, fmoreau@imf.org.
Résumé : Plusieurs obligations légales en termes de dialogue social, de partage des profits ou encore de comptabilité s’appliquent aux entreprises lorsqu’elles franchissent le seuil de 50 salariés. Cette note montre qu’une part importante des entreprises sousdéclarent volontairement leur effectif en-dessous de ce seuil et que cela leur permet d’éviter les obligations qui leur incombent. Le respect de la loi en matière de dialogue social ou de partage des profits apparaît ainsi lié à l’effectif que les entreprises déclarent et non à leur effectif réel. Ces résultats illustrent la façon dont le code du travail peut être contourné dans un univers réglementaire complexe et en l’absence de moyens de contrôle suffisants. Ils invitent à réfléchir à la mise en place de modalités de contrôle du respect des lois plus directes et plus efficaces. Ils invitent également à considérer avec prudence les résultats de plusieurs études récentes qui chiffrent le coût des obligations légales au seuil de 50 salariés en supposant qu’elles sont en pratique intégralement respectées.
Points clefs de l’étude :
- Les entreprises françaises sont beaucoup plus nombreuses à déclarer un effectif de 49 salariés que de 50 salariés dans leur déclaration fiscale.
- Ce pic à 49 salariés est régulièrement attribué aux obligations supplémentaires qui se déclenchent au seuil de 50 salariés : les entreprises refuseraient de franchir ce seuil – dit “seuil social” – afin d’éviter par exemple d’avoir à installer un comité d’entreprise (désormais CSE à compétence élargie). Cette croissance moindre des entreprises limiterait in fine la productivité et l’emploi.
- Cependant, lorsqu’on calcule directement l’effectif des entreprises à partir de données administratives portant sur l’ensemble des salariés, le pic à 49 salariés disparaît intégralement. C’est donc l’effectif déclaré par l’employeur et non l’effectif réel qui plafonne à 49 salariés.
- Nous suggérons que ce phénomène s’explique par le fait que l’effectif légal est difficile à calculer et n’est pas public, de sorte que le respect de certaines obligations légales dépend en pratique de l’effectif déclaré.
- Le coût à mal déclarer son effectif semble par ailleurs faible de sorte que les entreprises qui craindraient les obligations légales ont tout à gagner à déclarer un effectif erroné qui leur permet de les éviter.
- Ces résultats remettent en partie en cause les résultats associant un effet délétère sur la croissance aux seuils d’effectif.
Auteurs :
Philippe Askenazy est directeur de recherche au CNRS Centre Maurice Halbwachs-ENS-PSL.
Thomas Breda est chargé de recherche au CNRS affilié à l’Ecole d’Economie de Paris et directeur du programme Travail de l’Institut des politiques publiques.
Flavien Moreau est économiste au Fonds Monétaire International.
Vladimir Pecheu est Post-doctorant à Aix-Marseille School of Economics.