RÉFORMER LE SYSTÈME DE RETRAITE : LES DROITS FAMILIAUX ET CONJUGAUX
> Rapport IPP, juin 2013
> Auteurs : Carole Bonnet, Antoine Bozio, Camille Landais et Simon Rabaté
> Contacts : carole.bonnet@ipp.eu, antoine.bozio@ipp.eu, camille.landais@ipp.eu
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« Réformer le système de retraite: les droits familiaux et conjugaux »
> Parcourir le communiqué de presse (24 juin 2013)
Les débats autour de la réforme annoncée du système de retraite ne pourront ignorer la question des droits familiaux et conjugaux. Ils sont d’une importance cruciale afin d’améliorer la réduction des inégalités de pension entre hommes et femmes, les dispositifs actuels étant inadéquats à bien des égards. Les rapports du Conseil d’orientation des retraites et dernièrement le rapport Moreau suggèrent tous « une remise à plat » de ces dispositifs. Pour contribuer utilement au débat, l’Institut des politiques publiques a analysé plusieurs scénarios de réforme, chiffrant leur coût budgétaire, leur impact redistributif et leur capacité à réduire les inégalités de pension entre hommes et femmes.
DROITS FAMILIAUX
Quelles politiques pour quels objectifs ?
Les aléas de carrière liés à l’arrivée des enfants – interruptions d’activité, temps partiel, moindre progression de la carrière – continuent à toucher nettement plus les femmes que les hommes. Ils génèrent des inégalités de pension entre hommes et femmes et justifient, à eux seuls, la mise en place de mécanismes compensatoires pour le calcul des retraites, les autres objectifs parfois avancés (inciter à la fécondité, compenser une faible épargne, etc.) résistant mal à la critique.
Le rapport insiste sur le fait que les inégalités de carrière hommes/femmes ne seront durablement corrigées que par des actions directes visant à réduire ces aléas de carrière : politiques d’accueil des jeunes enfants, interventions sur le marché du travail, modification des comportements etc. Le rapport préconise ainsi d’orienter progressivement les masses financières dédiées aux droits familiaux de retraite vers des mesures directes à destination des familles, mieux à même de réduire la formation de ces inégalités.
Pour autant, les compensations ex post que sont les droits familiaux de retraite restent légitimes pour les générations ayant déjà subi ces aléas, mais une refonte substantielle des dispositifs s’avère nécessaire.
Une remise à plat nécessaire
Les droits actuels réduisent les inégalités de pension, mais de façon opaque et peu efficace. Les différences entre les régimes sont par ailleurs difficiles à défendre. Les bonifications de pension pour trois enfants et plus est le dispositif le moins efficace. Consistant en une majoration en pourcentage de la pension, il ne réduit pas les inégalités hommes/femmes et ne compense pas les aléas de carrière liés à la présence des enfants. Plusieurs scénarios de réforme sont évalués dans le rapport – introduction d’un bonus forfaitaire pour les bénéficiaires actuels, ouverture d’un bonus forfaitaire à l’ensemble des femmes dès le premier enfant. Quand bien même ces pistes de reforme auraient un effet redistributif marqué vers les plus faibles pensions, elles ne répondent pas pleinement aux objectifs initaux de réduction des aléas de carrière et le risque de redondance avec d’autres dispositifs est bien réel.
Les majorations de durée d’assurance est le dispositif majeur de compensation des aléas des carrières féminines. Pourtant, en ne jouant que sur la durée d’assurance et non sur le niveau du salaire de référence, ces dispositifs manquent en partie leur cible. Certains profils de carrière, typiquement les femmes qui ont privilégié le temps partiel plutôt que l’interruption d’activité, n’en bénéficient pas alors même qu’elles ont subi des aléas de carrière, et sont ainsi fortement pénalisées par le système de retraite actuel.
Une réforme ambitieuse est possible
Les auteurs de ce rapport préconisent le remplacement des deux dispositifs précédents par une bonification proportionnelle à la pension, comptabilisée dès le premier enfant, et au barème dégressif selon le niveau de la pension. Les aléas de carrière, quelles qu’en soient les causes – temps partiel ou interruptions d’activité, seraient mieux pris en compte. L’ensemble gagnerait grandement en lisibilité et en transparence, le nouveau système ne jouant pas sur les paramètres de calcul de la pension de base, mais sur la pension finale. Ainsi, à budget constant, la simulation de cette réforme met en évidence ses effets redistributifs en faveur des petites pensions et une réduction des inégalités de pension hommes/femmes de l’ordre de 5 à 6 points.
La Cour de justice de l’UE ayant demandé aux Etats membres la modification des dispositifs discriminatoires (y compris « positifs ») selon le sexe, la réforme suggérée par les auteurs préconise l’ouverture des droits familiaux aux hommes : les bonifications s’adresseraient à un seul parent homme ou femme, par défaut la mère. La dégressivité inciterait la plus faible pension, le plus souvent la mère, à faire valoir ce droit, réduisant ainsi de façon plus directe les inégalités.
DROITS CONJUGAUX
Les droits conjugaux dans le système de retraite français sont l’ensemble des droits dits « dérivés », soit essentiellement les pensions de réversion.
Les pensions de réversion en cas de veuvage : un dispositif à repenser
La prise en charge du risque veuvage est aujourd’hui hétérogène. Si le système de réversion permet actuellement de maintenir en moyenne le niveau de vie des veuves suite au décès de leur conjoint, cette moyenne cache de nombreuses disparités avec des effets de surcompensation et, en parallèle, des pertes nettes de niveau de vie. Ces disparités sont renforcées par les différences, difficilement justifiables, de conception et de règles des pensions de réversion entre régimes. Les auteurs du rapport étudient une réforme du dispositif de la pension de réversion visant à réduire ces disparités avec un objectif de garantie du maintien du niveau de vie en cas de veuvage. Ils ne présentent pas de chiffrage pour cette réforme qui mériterait des analyses ultérieures.
Par ailleurs, les évolutions des formes conjugales, en particulier l’érosion du couple marié et stable, amènent à s’interroger sur la justification de la prise en charge collective du risque veuvage et les pistes ouvertes pour que les couples eux-mêmes internalisent cette dimension et son coût.
Le cas des divorces
La législation actuelle prévoit le versement de la pension de réversion à l’ex-conjoint divorcé, éventuellement au prorata des durées de mariage en cas de pluralité des ex-conjoints. Ce système apparaît à plusieurs égards inadéquat (décalage temporel, taux effectif de recours, etc.) et devrait être supprimé.
La voie la plus cohérente pour traiter la question du divorce dans le système de retraite est certainement le partage des droits à la retraite au moment du divorce. La complexité du système français rend difficile a priori sa mise en œuvre mais plusieurs pistes sont proposées, suivant les exemples de pays voisins permettant d’approcher un tel partage.
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