Rapport IPP n°35 – Juillet 2021
Auteurs : Paul Dutronc-Postel, Brice Fabre, Chloé Lallemand
Contact : brice.fabre@ipp.eu, chloe.lallemand@ipp.eu, paul.dutronc@ipp.eu
Financeurs : Cette étude a bénéficié d’un financement de la fédération des entreprises sociales pour l’habitat (ESH) dans le cadre d’un partenariat de recherche avec l’IPP.
Les aides au logement en temps réel : évaluation d’impact
Données sous-jacentes : télécharger au format .zip
Présentation : Notre système de protection sociale comprend de nombreux transferts monétaires (prestations familiales, minima sociaux, aides au logement) à destination des revenus les plus modestes et donc sous condition de ressources. Le calcul d’un grand nombre de ces prestations se base sur les revenus de l’avant-dernière année (de l’année N-2), c’est-à-dire des dernières ressources ayant fait l’objet d’une déclaration de revenus au début de l’année N. En parallèle, l’administration dispose de remontées mensuelles de revenus individuels pour l’établissement des cotisations sociales et le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Ainsi, il est possible de faire reposer les prestations sociales sur des ressources plus proches de la situation des individus au moment de la demande des prestations sociales. La réforme des aides au logement entrée en vigueur au 1er janvier 2021 va dans ce sens. Avec cette réforme, les aides au logement dépendent désormais des ressources des douze derniers mois glissants. Un tel changement modifie les montants d’aides au logement perçus par les individus, en fonction de la différence entre leurs ressources telles que mesurées dans l’ancien système et leurs ressources mesurées dans le nouveau. A partir de données inédites sur les trajectoires de revenus des individus, ce rapport vise à évaluer les effets redistributifs de cette réforme ainsi que ses effets budgétaires.
Points clés :
- Avant la réforme, les aides au logement dépendaient des ressources perçues l’avant-dernière année (année N-2). A cela s’ajoutait plusieurs dispositifs visant à corriger de ce décalage entre le moment de la demande et la période de référence des ressources.
- La réforme analysée modifie cette période de référence, qui correspond désormais aux douze derniers mois glissants, ce qui permet d’assouplir certains mécanismes de correction.
- Nous évaluons les effets budgétaires et redistributifs de cette réforme en utilisant des données inédites sur les trajectoires des individus, permettant de connaître leurs ressources en N-2 comme sur les douze derniers mois glissants. Ces données nous permettent de simuler les aides au logement des individus avec et sans réforme.
- Ces effets sont évalués dans un contexte « avant crise sanitaire », afin d’isoler les effets de cette réforme et les effets de la crise sur les impacts de cette réforme, que les informations disponibles actuellement, essentiellement agrégées, ne permettent pas d’estimer.
- La réforme aurait engendré une baisse de dépenses d’aides au logement de 1,2 milliard d’euros, soit une baisse de 8 % de ces dépenses.
- Cette baisse globale cache une hétérogénéité importante, avec 2,2 milliards d’euros de baisses d’aides au logement, et 1 milliard de hausses.
- Les plus faibles revenus sont peu affectés par la réforme, du fait de mécanismes existants déjà avant la réforme et qui prennent en compte certaines baisses de ressources par rapport à l’année N-2 (ex : neutralisation des ressources pour les bénéficiaires du RSA).
- Les pertes les plus importantes se situent dans le 4e et le 5e dixième de niveau de vie. Plus un bénéficiaire des aides au logement avant la réforme a aujourd’hui un niveau de vie important, plus la probabilité qu’il ait connu une hausse de ressources depuis l’année N-2 est élevée et plus il est donc exposé à une baisse d’aides au logement.
- Les gagnants ont des profils relativement divers. Ils comprennent à la fois des individus dont les ressources ont baissé depuis N-2 et des individus soumis à un dispositif d’avant réforme dit « d’évaluation forfaitaire », qui visait à prendre en compte, par dérogation à la période de référence par défaut, les revenus les plus récents en cas de reprise d’activité.
- Les jeunes actifs sont les plus affectés par la réforme, du fait de décalages importants entre leurs ressources courantes et leurs ressources de l’année N-2. 33 % des moins de 25 ans non-étudiants sont perdants et perdent en moyenne 1 067 euros annuels d’aides au logement.
- Les inactifs, dont les ressources sont relativement stables dans le temps, et les retraités, peu bénéficiaires des aides au logement, sont en moyenne faiblement affectés.
- Lorsque l’on classe les ménages par configuration familiale et âge du référent, les plus affectés sont les familles monoparentales, les célibataires sans enfant, et les ménages dont le référent est relativement jeune.
- Cette réforme est rendue possible par l’exploitation de remontées mensuelles de revenus pour le calcul des aides au logement. De telles remontées offrent une plus grande flexibilité dans le calcul des ressources, notamment concernant l’étendue de la période de référence, et la fréquence de réévaluation des droits. La réforme a tranché sur ces deux aspects mais de nouveaux débats pourraient émerger en fonction des effets observés et des remontées d’expérience.
Publication associée :
– Rapport IPP n°34, « La réforme du Universal Credit au Royaume-Uni », Antoine Bozio, Joyce Sultan Parraud, financé dans le cadre du partenariat de recherche entre l’IPP et l’ESH (juillet 2021).