Rapport IPP n°34 – Juillet 2021
Auteurs : Antoine Bozio, Joyce Sultan Parraud
Contacts : antoine.bozio@ipp.eu, joyce.sultan@ipp.eu
Financeurs : Cette étude a bénéficié d’un financement de la fédération des entreprises sociales pour l’habitat – ESH (www.esh.fr) dans le cadre d’un partenariat de recherche avec l’IPP.
La réforme du Universal Credit au Royaume-Uni
Présentation : Plusieurs réformes récentes en Europe se sont donné comme objectifs de simplifier leur système de protection sociale et d’améliorer l’accès aux prestations sociales pour limiter le non-recours. Parmi ces réformes, celle du Universal Credit menée au Royaume-Uni depuis 2012, fait écho à ces préoccupations : elle vise à simplifier le système de protection sociale britannique en introduisant une nouvelle allocation généraliste, venant agréger une partie des prestations déjà existantes. En parallèle, la réforme est aussi caractérisée par une conditionnalité renforcée en matière de recherche d’emploi et répond à un objectif d’activation des dépenses de prestations sociales. La réforme s’accompagne également d’un changement très profond du système d’information et de gestion des prestations sociales qui devient entièrement digitalisé et automatisé. Cette réforme s’inscrit dans un contexte plus large où la question de l’architecture de la protection sociale revient de manière récurrente dans le débat public, sous la forme des propositions de revenu universel, de revenu de base, ou encore de revenu universel d’activité. Outre le contenu de la réforme britannique, son ampleur et ses conditions de mise en place, sont autant de matière à réflexions sur la façon de penser des réformes de la protection sociale. Ce rapport propose des éléments de bilan de la réforme, à la fois au regard des objectifs fixés et sur les conditions de mise en œuvre.
Points clés :
- La réforme du Universal Credit est la réforme la plus importante et la plus radicale menée outre-Manche depuis la création du système de protection sociale en 1948. Elle met en place une nouvelle prestation, familialisée, sous condition de ressources et à destination des personnes en âge de travailler, qui vient remplacer six allocations existantes.
- La mise en place d’un nouveau système d’information capable de gérer en temps réel les modifications de plusieurs millions d’allocataires s’est révélée particulièrement complexe.
- Les premières évaluations de la réforme montrent des effets hétérogènes selon le profil des ménages. La réforme entraîne d’importants transferts entre ménages, au profit des couples avec enfants et des ménages actifs, les familles monoparentales étant majoritairement perdantes. Les ménages sans revenu d’activité ne sont pas impactés par la réforme car le montant socle correspond au montant des prestations remplacées.
- La réforme réduit de manière relativement importante les cas de forte désincitation à l’emploi. Les ménages qui font face à des taux d’imposition à la reprise d’emploi supérieurs à 70 % voient en grande majorité leurs incitations financières s’améliorer. Au contraire, les ménages avec des taux d’imposition plus faibles (de 50 à 60 %) sont plus nombreux à voir leurs incitations inchangées.
- Le nouveau système s’est adapté sans difficultés à l’explosion du nombre de bénéficiaires pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19. Entre février et mai 2020, le nombre de bénéficiaires a quasiment doublé, sans délai excessif concernant les versements de l’allocation aux bénéficiaires.
- De manière générale, l’expérience du Universal Credit a montré que la fusion des prestations sociales existantes ne pouvait pas s’accompagner d’économies budgétaires, à court terme tout du moins. Une réforme d’ampleur du système de protection sociale s’apparente plus à un investissement, au départ coûteux, mais qui permet à terme d’obtenir un système plus efficace.
- Une réforme de cette ampleur nécessite un portage politique fort. La simplification du système est une opération complexe qui implique des ressources financières et humaines importantes ainsi qu’une mobilisation forte de l’administration en charge de la réforme.
- La digitalisation et l’automatisation de la prestation a permis une forte réactivité lors de la crise sanitaire mais l’expérience du Universal Credit souligne également les limites de l’automaticité et le besoin de maintenir des moyens humains pour aider les populations les plus vulnérables.
Publication associée :
– Rapport IPP n°35, « Les aides au logement en temps réel : évaluation d’impact », Paul Dutronc-Postel, Brice Fabre et Chloé Lallemand, financé dans le cadre du partenariat de recherche entre l’IPP et l’ESH (juillet 2021).