Note IPP n°51 - Mars 2020

Discrimination de genre et élections locales

Note IPP n°51

Mars 2020

Auteurs : Jean-Benoît Eyméoud, Paul Vertier

Contact : jeanbenoit.eymeoud@sciencespo.fr, paul.vertier@sciencespo.fr

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Résumé :

Si la sous-représentation des femmes en politique est un constat largement partagé, les raisons de cette sous-représentation sont encore imparfaitement comprises et donnent lieu à de nombreux débats. Parmi les explications possibles, l’hypothèse d’une discrimination des électeurs à l’encontre des femmes est fréquemment avancée mais peu souvent étayée. Cette étude s’attache à tester cette hypothèse dans le cas de la France. Pour cela, nous exploitons une expérience naturelle inédite ayant eu lieu en France en mars 2015 dans le cadre des élections départementales. Pour la première fois, les candidats ne devaient pas se présenter seuls mais en binômes nécessairement paritaires, composés d’un homme et d’une femme. La loi obligeait également à ce que l’ordre d’apparition sur le bulletin de vote soit basé sur l’ordre alphabétique, ce qui a conduit la moitié des binômes à avoir une femme en première position et vice-versa. Cette modification historique du processus électoral a pu conduire certains électeurs à penser que le candidat en première position sur le bulletin de vote recevait davantage de prérogatives que la personne en seconde position, et ainsi à lui accorder davantage d’attention. Cette réforme constitue un cadre d’analyse idéal pour évaluer la présence de discriminations de genre et en analyser les déterminants : en comparant les voix reçues par les binômes ayant une femme en première position et en deuxième position, et dans la mesure où le genre du premier candidat est aléatoire, nous arrivons à identifier précisément l’existence de discrimination de la part des électeurs à l’encontre des femmes.
Au final, nous identifions une discrimination substantielle à l’égard des candidates affiliées à des partis de droite, qui a affecté le résultat de l’élection. Nous montrons également que les biais de genre des électeurs dépendent non seulement de la quantité d’information disponible sur les bulletins de vote, mais aussi de la discrimination existant sur le marché du travail local.

Points clés :

  • Les femmes sont sous-représentées en politique, en particulier au niveau local : 42% des députés sont des femmes et seulement 16% des maires.
  • Les élections départementales de 2015 ont instauré la parité en obligeant les candidats à se présenter en binôme mixte : chaque binôme est composé d’un homme et d’une femme. La loi impose également que l’ordre d’apparition des candidats sur le bulletin de vote corresponde à l’ordre alphabétique : une fois sur deux un homme est en première position et vice-versa.
  • Certains électeurs sont susceptibles d’avoir concentré leur attention uniquement sur le nom du premier candidat. Néanmoins, puisque l’ordre d’apparition des candidats est aléatoire et n’est pas lié à leurs prérogatives une fois élus, le genre du premier candidat ne devrait pas affecter le vote. Si les binômes dont la femme est en première position reçoivent moins de voix que d’autres, cela signale l’existence d’une discrimination de genre de la part des électeurs.
  • En analysant les différences de performances électorales des binômes ayant une femme ou un homme en première position, nous montrons que seuls les binômes de droite avec une femme en première position ont été discriminés par leurs électeurs : en moyenne, ils ont perdu 1.5 points de pourcentage de vote au premier tour (soit environ 5% de la part reçue en moyenne par un binôme de droite), ce qui n’est pas le cas pour les autres groupes politiques.
  • Le déficite de voix induit a modifié le résultat de l’élection : les binômes affectés ont vu leur probabilité d’aller au second tour ou de gagner l’élection diminuer de 5%.

Reprise presse

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