Rapport IPP n°44 - juillet 2023

Transferts parentaux vers les jeunes adultes: impacts et implications en termes de politiques redistributives

une jeune fille aidée par son père avec une calculette

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Enjeux

Les jeunes adultes sont particulièrement concernés par les difficultés économiques et sociales, notamment par la pauvreté et le chômage : les 18-24 ans sont, selon l’Insee, la catégorie d’âge ayant le taux de pauvreté le plus élevé. Se pose ainsi la question des dispositifs de redistribution à mettre en place à destination des jeunes adultes.

En parallèle, les ressources des jeunes adultes sont, pour plusieurs raisons, difficilement mesurables, notamment du fait qu’ils peuvent recevoir des aides financières de la part de leur famille.

Plus largement, se pose la question de l’âge de l’indépendance financière et de la manière de la définir dans le cadre des dispositifs de redistribution.

Présentation

Ce rapport poursuit les objectifs suivants :

  • estimer les transferts parentaux reçus par les jeunes adultes
  • fournir une description précise des niveaux de ressources des jeunes de 18 à 24 ans après prise en compte de ces transferts
  • analyser l’interaction de ces transferts avec deux dispositifs de prestation sociale : les aides au logement d’une part, et le RSA dans l’hypothèse où il serait ouvert à partir de 18 ans d’autre part.

L’étude se focalise sur les jeunes adultes (18-24 ans) décohabitants, c’est-à-dire disposant de leur propre logement.

Résultats clés

  • Les ressources des jeunes adultes sont relativement méconnues et mal prises en compte dans les mesures de la pauvreté, basées principalement sur les revenus déclarés à l’administration fiscale. Les transferts parentaux, pouvant être importants pour les jeunes adultes décohabitants, ne sont pas pris en compte dans ces mesures, qui par conséquent excluent les ménages étudiants du calcul du taux de pauvreté.
  • Selon les résultats de ce rapport, le taux de pauvreté monétaire (part de ces personnes vivant sous le seuil de pauvreté) est de 33,4 % pour les jeunes adultes décohabitants selon la méthode usuelle du taux de pauvreté. En incluant les ménages étudiants, puis en comptabilisant les transferts parentaux, il s’établit à 39,0 %. Ainsi, même en ajoutant les transferts parentaux dans l’analyse, ajouter les ménages étudiants aboutit à une hausse importante du taux de pauvreté monétaire mesuré. Globalement, ces estimations constituent un élément supplémentaire soulignant que les jeunes décohabitants sont particulièrement touchés par la pauvreté. Néanmoins, une analyse de la distribution des revenus souligne l’importance que peut constituer les transferts parentaux dans le niveau de vie des jeunes décohabitants. A titre d’exemple, 30 % des jeunes décohabitants sont parmi les 1 % des individus ayant les niveaux de vie les plus faibles. En incluant les transferts parentaux, cette fraction passe à 12%. Globalement, quelle que soit la mesure de la pauvreté considérée, les jeunes adultes décohabitants sont fortement touchés par la pauvreté, et restent largement surreprésentés parmi les 50 % des individus les plus modestes.
  • Ce rapport étudie ensuite les implications des transferts parentaux en termes de politique de protection sociale à destination de la jeunesse. L’accès des jeunes adultes aux prestations sociales fait en effet l’objet de débats récurrents, notamment en ce qui concerne le RSA, ouvert aujourd’hui à partir de 25 ans. Une question cruciale est celle de l’indépendance financière, autrement dit du moment à partir duquel la situation d’une personne peut être considérée comme distincte de celle de ses parents. Considérer un jeune adulte indépendant peut amener à verser une prestation à un jeune qui, dans les faits, bénéficie toujours du revenu de ses parents, alors que le considérer comme dépendant peut amener à ne pas verser d’aide à un jeune sans soutien familial et effectivement dans le besoin. Cette question pose aussi et avant tout celle de l’âge à partir duquel un jeune adulte devrait être indépendant.
  • Cette étude analyse dans quelle mesure une prestation sociale sous condition de ressources, qui ne peut prendre en compte ces transferts parentaux dans son calcul (la présente étude mobilise des données d’enquête à ce sujet), peut cibler des personnes dont le niveau de ressources incluant ces transferts est supérieur aux niveaux de ressources ciblés. Deux prestations sociales sont étudiées : les aides au logement d’une part, accessibles sous condition de ressources à tous les jeunes adultes, et le RSA d’autre part, dont l’âge minimal d’éligibilité de droit commun est à 25 ans.
  • Les jeunes décohabitants percevant des aides au logement se situent en grande majorité (98 %) dans les 40 premiers centièmes, en cohérence avec le barème de ces aides. Lorsque l’on inclut les transferts parentaux dans le niveau de vie des jeunes, transferts non pris en compte dans le calcul des aides au logement, cette part s’établit à 82 % c’est-à-dire que 18 % se situent au-delà du 40e centième. En termes de montants versés, 17 % du montant total d’aides au logement versées aux jeunes décohabitants est alloué à des jeunes situés au-delà du 40e centième après transferts parentaux.
  • En simulant un RSA dont l’âge minimal d’éligibilité serait à 18 ans et sous conditions de ressources identiques au dispositif actuel, les nouveaux bénéficiaires potentiels parmi les jeunes décohabitants seraient, avant transferts parentaux, dans les 12 premiers centièmes. 30 % se situeraient au-dessus de ces 12 centièmes, après transferts. Ces derniers représenteraient 28% des nouvelles dépenses de RSA versées aux jeunes décohabitants.
  • Globalement, le fait que les transferts parentaux soient majoritairement non pris en compte dans les ressources de ces deux dispositifs crée naturellement des décalages de ciblage, si l’on considère ces transferts dans les ressources. Néanmoins, environ les trois quarts de la dépense restent dans le même spectre de revenus, et près de la moitié au niveau des mêmes centièmes.

 

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Auteurs

  • Sylvain Duchesne
  • Paul Dutronc-Postel
  • Brice Fabre
  • Florian Jacquetin
  • Nolwenn Loisel
  • Lukas Puschnig

Partenaire

Cette étude a été menée avec le soutien de la Fédération des Entreprises Sociales pour l’Habitat (ESH)

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Données et méthodes

Cette étude mobilise le modèle de microsimulation socio fiscale Taxipp, complété par des informations spécifiques aux jeunes adultes issues de l’enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ) produite par la Drees. Cette analyse permet de disposer d’une base contenant tous les jeunes adultes, y compris ceux en ménage non ordinaires, d’avoir pour chacun d’eux une estimation des transferts parentaux reçus, ainsi que pour chaque parent d’au moins un jeune adulte une estimation des transferts qu’il verse.