Laurent Bach, professeur de finance à l’ESSEC et co-responsable du pôle entreprises de l’IPP revient dans un billet de blog paru ce jour sur les écarts importants dans les prévisions de recettes successives lors du dernier exercice budgétaire.
Ce billet s’appuie sur l’analyse de ces écarts (positifs ou négatifs) observés au cours des 20 dernières années, pour ensuite décrypter la situation pour l’année en cours (non achevée !) à la lueur des documents budgétaires et données disponibles.
Résumé
À partir des documents budgétaires disponibles, l’auteur explique pourquoi l’impôt sur les sociétés (IS), qui représente moins de 5% de nos impôts, est, comme souvent par le passé, largement impliqué dans la surestimation des recettes socio-fiscales pour 2024 (de plus de 40 milliards d’euros entre l’estimation initiale de l’automne 2023 et l’estimation révisée d’octobre 2024).
Il y a tout d’abord un effet d’assiette: les bénéfices s’envolent quand ça va bien, pour retomber brutalement quand ça va mal. Ce sont ainsi près de 9 milliards d’euros de recettes d’IS qui se sont volatilisés en 2024 parce que le bénéfice fiscal 2023 a été inférieur aux prévisions de l’automne 2023 de plus de 10%.
Il reste tout de même 6 milliards d’euros d’IS qui se seraient évaporés même si les bénéfices avaient été correctement anticipés. L’explication la plus plausible est que les entreprises, qui avaient été très généreuses dans leurs acomptes d’IS au sortir de la pandémie, ont depuis ralenti leurs paiements. Ces changements de comportement de trésorerie ont généré un effet d’accordéon sur les recettes de l’IS.
Ces effets de trésorerie dépassent toutefois la seule question de l’IS car les entreprises versent d’autres impôts sans en être les redevables: TVA, cotisations sociales, etc. Cela peut expliquer pourquoi les erreurs de prévision des recettes des différents impôts arrivent souvent en escadrille, et ce même quand le niveau de l’activité économique est bien prédit comme c’est le cas cette année.
La première leçon à tirer de cette analyse c’est que, pour ne pas subir l’effet d’accordéon des recettes versées par les entreprises, le recouvrement des impôts doit être plus strict quand la trésorerie des firmes peut être présumée suffisamment forte. La loi va déjà dans ce sens, avec un IS des grandes entreprises et un autre, aux conditions de paiement plus souples, pour les PME. Ce ciblage n’est toutefois pas assez discuté ni évalué dans le débat public. S’il est pertinent, pourquoi ne pas l’étendre aux autres prélèvements obligatoires versés par les entreprises?
La deuxième leçon, c’est que les sources d’information utilisées pour prévoir l’IS doivent être plus instantanées et plus individualisées qu’elles ne le sont aujourd’hui. Les entreprises donnent déjà des éléments comptables infra-annuels à l’Etat et aux marchés financiers. Il suffirait donc d’un léger renforcement des obligations déclaratives des grandes entreprises pour améliorer les prévisions de recettes fiscales.
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