Projet

L’impact de la détention sur les trajectoires sociales, scolaires et/ou professionnelles des mineurs ayant connu une incarcération

Contexte et enjeux

En France, parmi tous les auteurs mineurs poursuivis dans une affaire pénale terminée entre 2012 et 2021, 95% ont été déclarés coupables en première instance par une juridiction pour mineurs. Parmi ces mineurs condamnés, 33% ont été condamnés à une peine d’emprisonnement (dont 19% sans sursis), et 52% ont fait l’objet de mesures éducatives pour mineurs (chiffres calculés par les chercheurs de l’IPP à partir des données du fichier statistique Cassiopée). Un tiers des condamnations de mineurs est donc une peine d’emprisonnement, ce qui correspond à la principale peine prononcée.

La littérature scientifique en économie est peu abondante pour ce qui concerne l’effet spécifique de l’incarcération des mineurs sur leur trajectoire scolaire et professionnelle, et même inexistante en France. A la lumière des résultats mesurés dans d’autres contextes sur des populations d’adultes, en termes de réinsertion sur le marché du travail notamment, on peut néanmoins penser que l’incarcération pourrait avoir des effets particulièrement forts pour les mineurs. En effet, la privation de liberté intervient pour eux à une période cruciale de construction de l’identité et d’accumulation du capital humain, là où ces jeunes auraient pu poursuivre une scolarité, ou avoir une première expérience professionnelle. On peut ainsi s’attendre à des effets sur leurs trajectoires scolaires et professionnelles particulièrement marqués.

Présentation du projet

L’analyse de données proposées dans ce projet vise à répondre aux questions suivantes :

  • Les jeunes ayant connu l’incarcération en tant que mineurs parviennent-ils à s’insérer sur le marché du travail en sortie d’incarcération? Cette question pourra être examinée en regardant la probabilité d’être en études ou en emploi et les caractéristiques de l’éventuelle formation suivie ou de l’éventuel emploi retrouvé (type de contrat, salaire, type d’occupation, temps de travail, secteur d’activité), ainsi que la probabilité d’être ni en études ni en emploi, dans le court terme.
  • Les difficultés (ou le succès) dans la réinsertion qui suivent la sortie de prison se traduisent-elles par un éloignement (ou une réintégration) permanent(e) du marché du travail ? Les auteurs examinent pour cela les variables d’emploi à plus long terme, et de façon cumulative.

Méthode et données

Les chercheurs proposent de contribuer à la création d’une base de données au niveau individuel, permettant de suivre les parcours des mineurs suivis par la justice des mineurs : i) leur parcours au sein du système judiciaire, et pour certains, carcéral, ii) leur trajectoire éducative en amont du suivi judiciaire et après la sortie, et iii) leur trajectoire professionnelle en tant que jeunes adultes. Cela représente un défi de taille. Le premier verrou que les auteurs proposent de lever dans le cadre de ce projet, et sur lequel repose l’ambition de ce projet, est de permettre la réalisation d’un appariement entre des données administratives individuelles du ressort de trois ministères : Justice, Éducation Nationale et Travail.

Une fois que les auteurs auront construit cette base de données originale en France, ils pourront procéder à la phase d’analyse descriptive détaillée. Du fait de son caractère longitudinal, cette base de données sera particulièrement adaptée pour l’étude des trajectoires de court, moyen et long terme des mineurs incarcérées. Le caractère exhaustif de ces données assurera également une représentativité à l’échelle nationale, et une puissance statistique suffisante pour permettre l’exploration de plusieurs dimensions d’hétérogénéité. Cette première analyse visera à bien décrire les trajectoires scolaires et professionnelles des mineurs ayant été incarcérés, et permettra donc d’apporter un éclairage nouveau et inédit sur le devenir de ces jeunes après leur détention. Cette analyse sera ainsi complémentaire aux travaux sociologiques et anthropologiques déjà menés (ou en cours) en France, qui apportent quant à eux une grande richesse d’information sur le vécu et le contexte d’incarcération des échantillons de jeunes interrogés. L’analyse descriptive menée dans le cadre de ce projet sera également une étape préliminaire à une analyse plus causale que nous avons l’ambition de mener à plus long terme, vraisemblablement au-delà des deux années consacrées à ce projet.

Équipe mobilisée

  • Camille Hémet – coordinatrice U. Paris 1 – PSE, IPP
  • Manon Garrouste – U. Lille, IPP
  • Nina Guyon, ENS-PSE, IPP
  • Laura Khoury, U. Dauphine, IPP
  • Léa Dousset, PSE, IPP
  • Maëlle Stricot, PSE, IPP

Publication

Ce projet fera l’objet de la publication d’un rapport IPP a minima, fin 2025.

Partenaires

Ce projet est mené à l’initiative du Défenseur des droits, avec le soutien de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) et de l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ).